Le Mont Saint Michel sous la voie lactée : les coulisses d’une première mondiale

Le projet a commencé en août 2021. Comme souvent, je suis sur mon PC à me promener sur Google Map/Earth et d’autres applis pour chercher de jolis spots propices à une session astrophoto.

Petite parenthèse explicative pour mieux comprendre la suite. La Voie Lactée s’étend globalement du Nord au Sud. Mais son cœur, le bulbe galactique plus précisément, est TOUJOURS orientée au sud (chez nous en France en tout cas). Donc dès que je cherche un lieu, ou que je trouve un endroit qui me plaît, je vérifie si quelque chose est possible en termes de photo : rien qui n’obstrue la vue au sud, est-ce que je peux aligner la Voie Lactée et mon sujet etc.

J’étais donc sur Google Map, et en me promenant dessus, j’aperçois une île située en plein Nord du Mont-Saint-Michel. Tout de suite ça fait tilt dans ma tête : j’ai un endroit où je peux me poser pour shooter la Voie Lactée, en visant le sud donc. Je vérifie la position des astres et il est malheureusement trop tard dans la saison pour aligner notre galaxie et le Mont. Je mets donc ça de côté.

Février 2022, je me penche à nouveau sur la chose.

La période est vite définie en fonction des conditions nécessaires pour une telle prise de vue : ce sera vers fin mai ! Pour atteindre Tombelaine, il faut traverser la baie. Je contacte donc des guides pour me renseigner sur la faisabilité d’une telle chose. Je tombe sur Patrice Trèche, qui a tout de suite accroché à mon idée. 

J’apprends rapidement qu’il est impossible d’aller sur Tombelaine à cette période car elle est protégée. Nous sommes surtout en pleine période de nidification. En revanche, il me dit qu’il n’y a aucun problème pour se déplacer dans la baie la nuit, ce qui m’arrange encore plus. Vendu ! On se donne rendez-vous fin mai si tout va bien.

Pour des photos d’astro, les conditions réunies sont toujours les mêmes à savoir : 

  • L’absence de la Lune afin de bénéficier du ciel le plus noir possible. Ceci représente deux semaines par mois, voire moins suivant l’heure à laquelle on souhaite photographier la Voie Lactée.
  • Un ciel clair. Les nuages sont nos ennemis numéro un et la source d’un stress commun à tous. Par contre, même si on ne veut pas les avoir, il arrive qu’ils s’invitent à la fête et peuvent apporter une belle ambiance à notre composition.
  • Un vent tolérable. Prendre des photos d’astro nécessite de faire des temps de pose très long (de quelques secondes jusqu’à plusieurs minutes suivant la configuration). Pendant ce temps, l’appareil doit être absolument immobile sinon la photo est ratée. Il faut donc espérer, au mieux, un vent absent, sinon tolérable afin qu’il ne fasse pas bouger l’appareil. Pas de règle particulière de vitesse de vent, cela dépendra du matériel que l’on dispose ; et de sa propre corpulence pour pouvoir faire un bon paravent humain !
  • Une marée basse : qui dit marche dans la baie, dit marée basse obligatoire…


Autant la Lune est prévisible, autant les nuages et le vent sont des facteurs difficiles à prévoir. D’autant plus qu’en bord de mer, et surtout dans la baie du Mont-Saint-Michel, il n’est pas facile de croire que de telles conditions se réunissent souvent
Mais le jour J, je crois que je n’aurais jamais pu rêver mieux…

20h40 le 29 mai. Mon guide Patrice, notre vidéaste Xavier et deux autres comparses, nous nous engageons dans la baie au coucher du soleil. Je vous passe égoïstement les détails, mais c’est quelque chose… Toutes ces couleurs et ses reflets, seuls dans la baie… 

22h environ. On arrive à Tombelaine pour se poser jusqu’à la nuit noire. S’en suit 4 heures d’attente, pendant lesquelles on se refroidit un peu, voire beaucoup ! Vers 1h30 je décide qu’on se remette en route, guidé par Patrice, afin de dériver plus à l’Ouest jusqu’à avoir un alignement parfait entre le Mont-Saint-Michel et la Voie Lactée. 2h, à l’œil nu, ça m’a l’air bien. Je prends une photo test pour vérifier. Parfait ! Je pose donc le trépied et installe tout mon bazar. À ce moment, plus un bruit, je suis dans ma bulle, et j’ai le cœur qui bat.

 « Ça y est j’y suis enfin ! »

Concentré pendant 40-50min, j’effectue toutes les prises de vue dont j’ai besoin. Je demande à Patrice 10 minutes supplémentaires pour assurer mes prises. Je n’aurai pas plus car la marée est déjà en train de remonter, mais c’est largement suffisant. Une fois tout dans la boîte, on se remet en route pour revenir sur la côte. Et cette partie-là, je suis désolé, mais je la garderai pour moi. Car marcher dans la baie, sans aucune lumière, sous les étoiles et la Voie Lactée, ça ne se partage pas, ça se vit !

La toute première photo au monde du Mont Saint Michel sous la voie lactée de manière réaliste et dans un alignement parfait. Pour cela, la seule solution est de se place au Nord du Mont, en plein de milieu de baie.

Cette photo est unique car un tel cliché n’a jamais été réalisée (ou alors, on en a bizarrement jamais entendu parlé). Je m’explique !

Tapez « Voie Lactée Mont Saint Michel » sur Google, et vous allez en trouver des photos. Certes il en existent. Mais ce sont des images dites composites, un assemblage de photos prises à des endroits et lieux différents.

Comment cela se voit ? Parce qu’elles sont prises depuis la côte ou la passerelle devant le Mont, situées au Sud de celui-ci, avec donc l’appareil pointé vers le Nord. Et si vous vous rappelez ce que j’ai dit au début, vous comprenez qu’il est techniquement impossible d’aligner le bulbe galactique avec le Mont depuis une telle position. De plus, la Voie Lactée n’a jamais la même orientation, chacun le fait à sa sauce. C’est plus ou moins bien réussi, mais là n’est pas la question

Je tiens à réaliser mes photos de manière la plus réaliste possible, c’est-à-dire respecter l’alignement des astres de ma partie terrestre telle qu’elle existe. Cela demande un gros travail de repérages et préparations dont on ne se rend pas compte. Je ne suis pas monsieur Parfait, il m’arrive de déplacer un élément ou deux, effacer un truc qui me dérange ou je ne sais quoi… Mais si c’est le cas je l’assume et je l’explique pour ne pas tromper le spectateur. Après, on aime, on n’aime pas, c’est un autre sujet. Je pars du principe que la photo reste un art, et chacun est libre de la pratiquer comme il l’entend. 

Pour cette photo du Mont-Saint-Michel, aucun trucage. La Voie Lactée est telle qu’elle était à ce moment précis. N’importe qui pourrait, techniquement, la refaire, c’est une scène qui existe vraiment !

En plus de cela, il y avait un côté défi dans ce projet. Et pour ceux qui me connaissent bien, je suis joueur, j’aime bien les défis. Au-delà de la photo en elle-même, autour il y a toute une petite aventure, et j’aime quand il y a un peu de piquant dans l’histoire ! En plus de cela, j’ai pu faire de belles rencontres…

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